Le Massawippi exclu des eaux navigables – Bonne ou mauvaise nouvelle?
Le projet de loi omnibus (C-45) déposé par le gouvernement fédéral en octobre crée des remous dans les eaux québécoises. Et pour cause.
On atténue la portée de l’une des plus anciennes lois environnementales au Canada (1882). On en change d’abord le nom. La loi sur la protection des eaux navigables devient la loi sur la protection de la navigation. De quoi inquiéter dès la première phrase. Dans un même souffle, et presque par la porte de derrière, on exclut des milliers de rivières et de lacs canadiens en assujettissant à la loi les seuls cours d’eau triés sur le volet, énumérés en annexe. Un coup d’œil à l’annexe 2 du Projet de loi nous convainc de l’ampleur du changement. Au Québec, quatre lacs, dont le Memphrémagog restent couverts. Tout autre plan d’eau qui n’est pas mentionné à l’annexe 2 ne bénéficiera plus de la protection de la loi fédérale.
Trop tôt pour le dire
Bonne ou mauvaise nouvelle pour le lac Massawippi? En principe, il s’agit d’une mauvaise nouvelle; mais en fait, il est trop tôt pour le dire. Le problème de la juridiction fédérale sur les lacs reste entier. Si ce changement était le précurseur de l’abandon pur et simple de la gestion des lacs, ce serait peut-être une excellente nouvelle. Mais nous n’en sommes pas là. Nous sommes encore assujettis à la Loi sur la marine marchande du Canada et c’est son règlement connexe sur les restrictions visant l’utilisation des bâtiments qui réglemente nos baies.
Les discussions concernant ce projet de loi se poursuivent et, trop souvent, le traitement journalistique nous laisse croire à tort que le fédéral abandonne sa juridiction sur les milliers de lacs du Québec. Ce n’est pas le cas.
La seule protection que nous perdons pour le moment concerne l’érection d’ouvrages permanents dans les eaux. La loi fédérale exige l’obtention d’un permis à certaines conditions. Est-ce dire que si quelqu’un décide de bâtir un quai en ciment dans l’eau en face de chez vous, il en a le droit? Certainement pas. La loi sur la qualité de l’environnement du Québec et certains règlements municipaux subsistent. Et ces règlements, en l’absence de juridiction fédérale, sont valables. En d’autres termes, vous êtes en meilleure posture maintenant que vous ne l’auriez été si l’organisme fédéral avait accordé un permis, auquel cas ni le provincial ni le municipal n’auraient pu arrêter les travaux.
Casse-tête
Pas de panique donc. Il n’en reste pas moins que la gestion des lacs, déjà complexe, devient un casse-tête où la zone grise règne en maître. Le fédéral réglemente les bateaux, la vitesse, les événements; le provincial gère le littoral, la qualité de l’eau, les algues bleu-vert et la qualité de l’environnement en général; les municipalités gèrent les rives, le bruit, les nuisances. Le nouveau statut de la majorité des lacs au Québec entraînera sans doute son lot de contestations judiciaires. Les politiciens conservateurs allèguent qu’ils veulent simplifier les choses. Si c’est le cas, ils auraient avantage à être plus clairs et à céder de façon explicite la gestion des lacs.